Pensées Nocturnes - "Vacuum"
Le temps fait évoluer les choses, et aujourd'hui c'est le tour des Acteurs de l'Ombre. Tout le monde connait cette asso qui organise des concerts, (les Franciliens peuvent leur dire merci pour les « Black Metal is rising »), mais aussi leur webzine. Et voilà que maintenant Les Acteurs de l'Ombre viennent à sortir leur première production. Pour se faire, ils ont opté pour Pensées Nocturnes, et le pari semble gagné vu l'accueil chaleureux (oui, même si c'est du black dépressif, mélancolique à profusion, je ne peux pas dire que l'accueil était sombre et glacial...) qu'on a pu lire un peu partout sur la toile.
Pensées Nocturnes, c'est l'oeuvre de Vaerohn, esprit unique d'où sont sorties ces six chansons torturées, si plaintives, si tristes, si belles... Venu du chaos le plus total, « Vacuum » apporte une patte personnelle et égoïste de la vision d'une seule personne sur le monde qui l'entoure.
A la découverte de l'album, la première beauté nocturne qui se présente à nous c'est le côté filandreux et lugubre du logo. Celui-ci est en pleine adéquation avec la pochette de l'album qui annonce une musique sombre et spleenante représentant un coin de rue à peine perceptible sous un clair de lune, par temps de pluie dans une ville déserte. On est loin, pour du black au sens large, des pochettes de black metal avec vieux château des Carpates, ou montagnes norvégiennes et autres attributs de guerrier nordiques. Ici c'est la solitude citadine, la modernité malfaisante et la perte de l'humanité concentrée entre les murs d'une ville qui montre que même si l'on se rassemble dans de grandes mégalopoles on peut se sentir tellement seul au milieu de nulle part. Artwork donc vraiment pas mal, signé « 3-crosses XXX », avec à l'intérieur en guise de paroles, le poème « Lune malade » de Émile Albert Kayenberg, alias Albert Giraud, les paroles de Vaerohn évidemment et aussi le poème « Repas de corbeaux » de Maurice Rollinat, autre poète français du XIXème siècle.
C'est comme ça que Vaerohn a préféré mettre en valeur ces chansons, à travers des auteurs qui ont eu quelque part une fin de vie assez sombre. Il y a-t-il un lien ?...
En terme de musique, « Vacuum », pour être ciblant, et cataloguer cet album afin de donner quelques repères qui ne seront que les miens par conséquent, on pourrait dire que Pensée Nocturnes se complait dans une musique black dépressif avec un côté musique classique prononcé qui en définitive fait un peut mine d'oraison funèbre musicale.
C'est très bien amené, et il est certain que tout le monde n'y trouvera pas son compte, peut-être pas au niveau de la composition des morceaux, mais plus dans l'interprétation des textes, au niveau du chant.
La voix plein de souffrance et de complainte m'a donné un peu l'effet d'un Elend des débuts quand ils hurlaient leur luciférisme sur fond de musique posée, funeste. C'est sans doute ses hurlements plaintifs qui tout au long de l'album peuvent avoir à un moment donné un côté néfaste. Le style veut ça, mais cela peut hérisser le poil à la longue.
Ensuite c'est bien amené, c'est très noir, les guitares acoustiques se rapprochent d'un Empyrium tandis que les riffs saignent et laissent la douleur sortir, envahir son environnement pour que l'ambiance dépressive recouvre le peu de bonne humeur qu'il pouvait nous rester, j'aime véritablement cette noire profondeur. ça fait longtemps que musicalement je ne m'étais pas intéressé à un groupe de black, à part Asmodée qui m'a bien donné des frissons...
Les claviers avec la flûte (c'était bien de la flûte ?) sur « Lune malade » offrent une ambiance à la manière d'un Sopor Aeternus qui sortirait de sa tristesse gothique pour pénétrer dans un monde tout aussi triste et las mais nettement plus violent. C'est effectivement violent, car les guitares saturées viennent nous rappeler que même si le piano baigne dans la musique classique, on est ici en terrain de black metal.
Les morceaux laissent largement le temps à l'auditeur de bénéficier d'un spleen interminable, vu qu'ils durent tous environ 9 minutes, c'est énorme, le côté néo-classique des débuts de chansons avec le piano, comme "Flore" m'ont beaucoup plu.
Non franchement c'est vraiment triste et beau à la fois, j'aime sincèrement.
Le chant en français se marie évidemment très bien avec ce genre de musique, même si j'ai eu beaucoup de mal à déchiffrer sans l'aide du booklet.
"Flore" c'est un peu ce qui a manqué à Alcest (bien que j'ai beaucoup aimé Alcest), c'est poétique, mais ici il y a ce côté noir, malsain, black, et dépressif. J'ai même noté un petit clin d'oeil sur celle-ci avec un petit passage de la marche funèbre de Chopin, « Des-Espoir » étant quant à elle inspirée par le Nocturne de Chopin.
L'ovni de l'album reste « Coups de bleus » qui reste un bon moment de blues, loin de toute musique metal du moins sur la première partie du morceau. Et comme l'esprit du blues vient quand on l'attend le moins, ce titre est interprété en improvisation au piano, par Jean Coumelongue.
Voilà ce que j'ai pensé de « Vacuum », un album plein d'émotions, de noirceur, d'amertume, d'angoisse, de douleur et de morosité, mais c'est prenant et intriguant. Les incursions de mandoline (si je ne me trompe pas...), arrivent à prononcer l'angoisse comme sur le générique du jeu « Silent Hill 1 » sorti il y a tellement longtemps...
Je vous invite donc à découvrir cette boîte de pandore et à l'ouvrir en n'ayant que faire de tous les maux de l'humanité puisqu'à la fin il nous restera l'espérance...