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PARADISE LOST "Draconian Times"
(music for nations - 1995)
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En 1995, Paradise Lost est déjà considéré par la critique comme un groupe n'ayant plus rien à prouver, tant il a déjà tout réussi, du doom death de "Gothic" au metal sombre de "Icon". Il compte d'ores et déjà parmi les groupes "arrivés". C'est peut-être cette relative sensation d'engourdissement qui l'a amené à vouloir frapper un coup encore plus fort. Il démontrerait d'ailleurs plus tard, fût-ce en risquant beaucoup, que la notion d'évolution lui est consubstantielle. Cependant, en cette année 1995, l'époque n'est pas encore au risque, mais plutôt à la croissance hégémonique. Le bras séculier de cette volonté de puissance a pour nom ce "Draconian times" affûté comme un sportif de haut niveau. Ce qui frappe d'emblée est le son, qui, sans perdre de sa "heavytude", devient plus précis, plus clair. Largement accessible pour tout dire. Le couple Mackintosh/Aedy tisse des mailles de guitare très impressionnantes, avec, en bulle de sortie, des solos de guitare époustouflants de pertinence et de bon goût. Nick Holmes pour sa part emploie encore un timbre assez agressif, pas encore tout à fait clair, qui finit de conférer à cette musique son côté clair-obscur légendaire, entre évidence des mélodies et noirceur des ambiances. La frappe de Lee Morris à la batterie est quand à elle d'une lourdeur exemplaire, enchâssant le propos gothique dans un étau rythmique bienvenu. Ces préalables posés, il suffit alors de dérouler benoîtement un track-listing qui coule de source. Mettons tout de suite de côté la question du seul faux-pas de l'album : "Once solemn". Ce titre bref et rapide relève sans doute de la tentative de pondre un hit imparable du genre de "As I die". Peine perdue, "Once solemn" est bâclé, sans intérêt et anecdotique. Pour le reste, quel festin ! L'album débute avec le somptueux "Enchantment" qui près de dix ans après demeure la référence incontournable du metal sombre et fluide. Balancé comme une statue grecque, ce titre roule des harmonies comme certaines roulent du cul : et on suit ! La suite n'est pas mal, puisqu'avec "Hallowed land" et "Forever failure", le groupe marie avec bonheur mid tempo ravageurs et riffs d'airain, avec toujours un petit plus, tels ces passages de chant clair et de piano. Les titres qui suivent, à l'exception donc de "once solemn", persévèrent dans cette voie de bon goût. Et lorsque l'on pourrait éventuellement craindre un endormissement à l'ombre d'une formule ô combien fiable, le groupe, sans pour autant briser le moule, donne un nouvel élan au disque avec "Shades of god" et son ambiance lancinante du meilleur effet. Court mais passionnant. Le disque s'achève sur le même mode, avec trois titres finement ciselés et entêtants en diable : "Hands of reason", "I see your face", qui est le vrai hit du disque, et le magnifique "Jaded" dont s'exhale une odeur si forte de fatalisme. La grande force de ce disque est de parvenir à créer un climat sombre à travers des titre courts et accessibles, tout en cantonnant les rares passages de claviers à un strict rôle de ponctuation. Il est tout à fait évident que l'aura dont jouit ce disque est 100% méritée. Quatre ans après "Gothic", Paradise Lost parvient de nouveau à créer un mouvement dont les sillons seront suivis par d'innombrables groupes de metal gothique avec plus ou moins de bonheur. Ce disque est une borne.
 
Alexis Kieffer
Decibels Storm - juillet 2004