Membrane - "Disaster"
Malgré toute l'étendue de ma culture musicale, je ne connaissais pas Membrane. Comme quoi, tout est relatif. Et je me suis senti un peu bête. Ben oui, car un groupe de cette trempe ce n'est pas rien.
Et puis il ne date pas d'hier, mais plutôt du début de la décennie, avec à leur actif deux démos en 2001 et 2002 puis « Utility of useless things » en 2003, « A story of blood and violence » en 2007 et la nouvelle production ici présente « Disaster ». Pas de réelle nouveauté d'un point de vue du genre, simplement un exercice de style maîtrisé à la perfection. Quel style allez-vous me demander ? Le trio franc-comtois (vésulien pour être précis) réalise un numéro d'équilibriste parfait en effleurant du bout de ses instruments plusieurs familles musicales pour synthétiser audacieusement l'ensemble, conférant au groupe une identité sonore unique, sombre et puissante à la fois. Car oui, la première caractéristique de Membrane est de produire une musique désespérée, plombée par une instrumentalité dépressive majestueuse de lourdeur, basée sur des dissonances harmoniques permanentes qui instaurent une surtension malsaine tout au long des neuf titres qui composent l'album (qui ne sera pas sans rappeler Neurosis). La deuxième caractéristique du groupe est sa capacité digressive. Si la base de la musique produite par le groupe flirte en effet avec le sludge, l'intérêt des compositions se situent dans les brèches qu'il ouvre dans le genre. Parfois plus rapides, parfois plus brutaux à tendance hard core, parfois plus éthérés (« Océan ») ou plus noisy (« Crime ») les morceaux restent cohérents tout en mélangeant des horizons musicaux divers que Membrane orchestre savamment dans une précision et une exigence qui font là tout son talent. Car effectivement tout le brio du groupe est de conserver dans sa musique, malgré sa violente noirceur et ses multiples variations, un aspect mélodique plus ou moins diffus basé sur un mode évidemment mineur qui perdure tout au long des compositions. Le résultat est un effet hypnotique et schizoïde qui aliène et clive l'auditeur abasourdi, qui malgré la volonté d'éteindre sa platine, demeure prostré au fond de son fauteuil, le regard torve et la bave aux lèvres, sans autre choix que de laisser son cerveau branché sur « Disaster ».
Pour conclure, on constate avec grand plaisir que Basement Apes Industries demeure LE label qui continue à produire des groupes et des albums de qualité supérieure avec une constante étonnante.
Ce nouvel album de Membrane, « Disaster », en est la preuve la plus tangible et incontestable.
A écouter sans attendre et sans restrictions.