Lethian Dreams - "Bleak Silver Streams"
Lorsque les membres de Remembrance décident de donner libre cours à leur création artistique en prolongeant leur musique vers quelque chose de moins sombre et plus apaisé que Remembrance, cela donne Lethian Dreams. Un groupe composé de Carline Van Roos et de Matthieu Sachs, accompagnés au chant par Carlos d'Agua, membre fondateur de Before The rain.
Cet album est en fait l'unique album de Lethian Dreams, puisque « Requiem for my soul... » n'était sorti que sous forme promotionnelle en 2006 et que « Bleak Silver Streams » inclut ce premier, avec de nouveaux morceaux.
Lethian Dreams propose une musique inspirée par le doom ; la torpeur et la mélancolie sont à l'honneur sur cet album de six titres dont chacun fait environ neuf minutes où les atmosphères sont blafardes, offrant ce goût pour la tristesse et la dépression poétique pendant plus de 53 minutes en nous laissant à l'agonie, les yeux fermés, transportés par un mal être pourtant si doux et si amer...
« Bleak Silver Streams » est un de ces albums qui vous laisse perdre l'équilibre de la vie, qui vous englobe dans son linceul funèbre pour vous enlever votre conscience petit à petit en dépit de tous vos efforts pour rester à la surface du monde de lumière...
Les voix de Carline, d'une douceur funeste, sont la négation parfaite de la rugosité des vocaux masculins lorsqu’ils entrent dans leur registre guttural. Mais ces derniers ne se cantonnent pas à végéter dans un état primaire, au contraire, les états d'âme de la voix de Carlos nous font voyager tout autant au travers de vocaux clairs envoutants et plaintifs, joués à la manière d'un conteur empli de désespoir. C'est ce qu'on nous réserve sur « Under her wings » notamment. A la croisée de mondes complémentaires, entre doom anglais d'un My dying Bride époque « Turn loose the swans » et autres Ep à la « Symphonaire... », suivi d'un Anathema entre « The silent enigma » et « Eternity », et d'une période faste de musique presque atmosphérique doom à la Decoryah, Lethian Dreams prend le meilleur des courants doom des années 90's. Tous ces groupes au feeling très sombre comme Paradise Lost pouvait avoir avec « Gothic » sont concentrés chez Lethian Dreams pour cristalliser la musique vers une fin unique, la mélancolie à son paroxysme.
Cet album est riche en émotions, riche en atmosphères ténébreuses, avec des guitares très lentes et harmonisées, des claviers planants et d'une nostalgie sans fin, mais cela reste toujours au profit de la mélodie lente et profonde. L'art de la lenteur mélancolique est très difficile parce qu'il faut savoir maitriser, contrôler les instruments pour effleurer les émotions et guider l'auditeur vers l'unique issue des notes qui composent un tel album. On a envie de se laisser partir à l'écoute de « Elusive », de « Requiem » ou encore « Severance », genre de titre pour ce dernier qui s'approche fortement des atmosphères à la Thergothon avec un peu moins d'extrémisme et plus de douceur due au vocaux clairs masculins et féminins.
Lethian Dreams est l'indispensable complémentarité de Remembrance. Il s'agit du groupe qui vient donner la magnificence aux endroits où Remembrance n'avait pas encore été touché l'auditeur de sa grâce.
Un album d'une telle pureté est relativement rare, l'opulence d'émotions présentes sur cet album font de ce dernier une référence dans le doom français, cette scène se faisant plutôt indépendante depuis quelques années et il s'agit du temps idéal pour franchir les frontières de Lethian Dreams et se laisser guider par la brume...